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La Taverne

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Forum > La Taverne > Kraddock, Syphilis, Tarba, Naiá sont vivants! Les arbres savent!

Naiá Jacimirim

[Mariée de la Voie de la Symbiose]

Aujourd'hui (05:02)

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Citoyenne

Paradigme Vert

Domicile : Pickle City

Naiá Jacimirim s’avance, les mains tachées de terre et de sève, une fleur accrochée dans les cheveux. Elle parle lentement, avec cette ferveur rêveuse qui rend ses discours à la fois prophétiques et un peu déconcertants.

Naiá Jacimirim, ici! — Je parle aux arbres. Je leur fait des câlins.

Oui, vraiment. Certains me répondent. D’autres écoutent simplement, comme on écoute une vieille chanson qu’on a oubliée.
Les arbres sont les colonnes du monde : leurs racines plongent dans la Terre, leurs feuilles respirent l’Air,
la lumière leur donne le Feu, et leurs veines boivent l’Eau.
Ils sont les quatre éléments réunis. Ils détiennent la mémoire de la terre et la mémoire des lieux.

Un léger sourire traverse son visage.

— Et j’ai un aveu : je déteste les machines et les bâtiments.
Les stations d'épuration sont les deux : des pompes et des murs… même peints en vert, elles me donnent des boutons.
Mais je reconnais que certains maux sont nécessaires — un peu comme l’Empire Brun : pas très gracieux, mais parfois utile pour nous rappeler ce que nous ne voulons pas devenir.

Moi, je viens du peuple de la Forêt des Grandes Eaux.
Chez nous, le fleuve est tout : les rues, la salle de bain, la machine à laver, le frigo, le garde-manger et la cour de récréation.
Nous n’avons jamais eu besoin de stations d’épuration : le fleuve l’était déjà, et bien plus efficace.
Si cela ne tenait qu’à moi, Irendol ne serait qu’une prairie fleurie et une immense forêt ;
on n’y aurait pas besoin d’épurer quoi que ce soit, car on n’y produirait aucune souillure.

Mais voilà : personne n’a demandé au peuple de la Forêt des Grandes Eaux son avis quand les civilisations ont débarqué avec leurs haches,
rasant les arbres, polluant l’air et les eaux, posant des murs sur les rivières.

Elle hausse les épaules, avec douceur.

— C’est la constance des civilisations soi-disant avancées : faire sans demander, puis reprocher aux autres d’avoir fait sans prévenir.

Pourtant, je n’ai pas de rancune. Je suis une enfant du Paradigme Vert :
je veux vivre en harmonie, en symbiose, avec mes frères et sœurs paradigmiens.
Et je reconnais que, par rapport à mes rêves sauvages, le Paradigme est déjà une chance.

C’est pourquoi je participe à cet effort collectif, à ce destin commun. Les corvées de recyclage? Un appel au recyclage? Oui, je m'y plie.
Nous sommes tous de passage sur ce Cybermonde, et les arbres, eux, gardent la mémoire plus longtemps que nous.

Elle lève une main, énumérant d’une voix lente et poétique :

— J’ai rencontré plusieurs arbres sur l’Île aux Cigares :

D’abord Pindá Karu-Guasu Mbóïra Kraddock, le palmier des plus grandes ivresses de Kraddock,
gardien des nuits d’alcool et de chansons perdues.

Puis Pindá Oexa Té’ýra Karu Syphilis, le palmier témoin des chairs dévorées par Syphilis,
mémoire d’une légende télévisée où l’horreur se fit folklore.

Et plus récemment, Ybyrá Anga Karuã Tarba, l’arbre du souffle et de la fumée du Tarba.
Chez mes ancêtres, Karuã désigne la fumée, l’esprit, la vapeur : ces arbres fixent dans leurs cernes la mémoire de l’air et le souvenir du Saint Tarpé.

Enfin, il y a Ybyrá Anga’ra’y Naiá, l’arbre reflet de mon âme,
né sur les cendres de la station d’épuration, à ses pieds reposent les offrandes et les reliques de Kraddock.
Il sait, cet arbre, qu’on ne m’a pas demandé mon avis avant de me faire exploser une station sur la tête.

Elle rit doucement.

— Mais admettons-le : j’aurais sans doute agi sans demander non plus.
C’est là notre nature : recycler nos erreurs en boucles infinies.

Et puis, toutes les fumées — sans exception — font partie du cycle de la Vie.
Elles se diffusent, se dissolvent, se mêlent à l’air, aux plantes, à la faune, aux eaux, à la terre.
Les stations d’épuration elles-mêmes finissent par en avaler une partie. Une toute petite partie, faut pas croire.
Et tout cela se renouvelle : par les volcans, les moteurs, les bateaux, les avions, les motos, les météorites
toutes ces fumées finissent par danser ensemble dans le même grand cycle.

Vouloir les figer à jamais dans l’éther, c’est nier la Vie.
C’est vouloir retenir sa respiration pour ne pas recycler les fumées du Tarba en simple crotte de nez.

Elle sourit, malicieuse.

Et à voir le nouveau look de May, je me demande si elle ne s’est pas mutilé le nez pour échapper à ce destin.
Ce serait sans doute insupportable pour elle de savoir qu'une partie de la fumée du Saint Tarpé finit dans ses crottes de nez.

Non, les fumées du Tarba n’ont pas le monopole du cycle de la Vie,
et les stations d’épuration n’ont pas celui du recyclage de l’air.

Nous participons tous, que nous le voulions ou non, au grand cycle de la Vie.
Et moi, je n’y vois ni tragédie, ni gloire : seulement un éternel recommencement,
une respiration que nul ne peut retenir.

De nous tous, ceux qui vivent le plus lontemps, ce sont les arbres. Alors si vous voulez préserver le plus longtemps possible la mémoire des lieux et des êtres, préservez les arbres.

j'ai parlé

___

Souffle de Kryland,
écailles de Mboï Nhamandú.

[ce message a été édité par Naiá Jacimirim le 12/11 à 05:31]
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